vendredi 7 février 2020 (dernière modification le 6 février 2023)

Inspection : le comité de déontologie donne raison à l’UNSA Santé Cohésion sociale.

L’agence régionale de santé Ile de France a successivement organisée deux inspections relatives à des évènements sanitaires en associant ses propres corps de contrôle de manière conjointe avec des agents de L’Assistance Publique des Hôpitaux de Paris en cause dans les dysfonctionnements rapportés.
La première affaire concernait le décès constaté le 18 décembre 2018 d’une patiente de 55 ans au sein du service d’accueil des urgences de l’hôpital Lariboisière. Elle associait une inspectrice des affaires sanitaires et sociales de l’ARS IDF, un médecin urgentiste et une directrice des soins de l’AP-HP, un médecin urgentiste hospitalier extérieur (lire le rapport ici)
La seconde en juin 2019 est relative à l’inscription dans le fichier « SI-VIC » d’informations à caractère médical de patients gilets jaunes blessés lors de manifestation à Paris et accueillis dans les services d’urgence de l’AP-HP. Elle se composait de trois enquêteurs de l’ARS IDF et de deux agents hospitaliers de la direction de l’inspection et de l’audit de l’AP-HP.
Dans les deux cas, la lettre de mission était cosignée par les deux directeurs généraux, ARS et AP-HP. Dans les deux cas, une procédure judiciaire était en cours.
Peut-on imaginer que les services fiscaux, l’inspection du travail ou les services en charge de la consommation et de la répression des fraudes (DGCCRF) mènent conjointement une enquête avec la structure mise en cause ? Pour l’ARS, autorité sanitaire sous-tutelle du ministère de la santé, cela ne semble pas poser de problèmes.
Ni la ministre de la santé ni l’IGAS, alertées en février 2019 par l’UNSA Santé Cohésion sociale sur ces infractions aux règles élémentaires de l’inspection définies par le code de la santé publique, sur une situation de conflits d’intérêt évidents, sur une confusion majeure de rôles entre inspecteurs et inspectés, n’ont daigné réagir.
Unis d’une seule voix pour protester contre cette dérive indécente de la pratique administrative, les 4 corps d’inspection du ministère de la santé, médecins, pharmaciens, inspecteurs, ingénieurs de l’UNSA Santé Cohésion Sociale ont d’une part rédigé un communiqué de presse en février 2019 (qui sera repris par Hospimedia) et saisi le comité de déontologie des ministères chargés des affaires sociales en juillet 2019 (lire ici).
La réponse vient de nous parvenir. La déontologue, dans le cas de la première affaire, donne in fine raison à l’UNSA Santé Cohésion sociale ; elle retient, en effet, que l’inspection suite à un décès aux urgences relevait de la seule responsabilité de l’ARS. Pour la deuxième affaire, elle développe une argumentation alambiquée pour requalifier l’inspection sur le fichier « SI-VIC » en audit et admettre ainsi qu’une mission conjointe ait pu se mener (lire la réponse du comité de déontologie).
Une réponse à la réponse a été faite sous forme de communique de presse pour réaffirmer qu’il y a dans les deux cas conflit d’intérêt et qu’il s’agisse d’une inspection, d’un contrôle ou d’un audit, il n’est pas acceptable qu’un inspecteur de l’ARS mène cette démarche conjointement avec l’inspecté, le contrôlé ou l’audité. Il n’y a pour l’instant aucune réponse en retour.
Le SMISP a par ailleurs saisi parallèlement le conseil national de l’ordre des médecins sur ce qui nous apparaissait de la part des médecins hospitaliers comme un manquement à la déontologie médicale. A l’issue d’une audition très confraternelle de deux membres du syndicat, le président de la section Exercice Professionnel nous a répondu en confirmant l’anormalité de cette procédure au regard du principe déontologique d’indépendance professionnelle (lire ici la réponse de l’Ordre).
Ces dérives s’inscrivent dans un appauvrissement depuis des années de la mission d’inspection/contrôle au sein des ARS au profit de missions d’audit, d’accréditation, de certification. Elles vont de pair avec un effacement progressif des corps d’inspecteurs et leur substitution par des intervenants extérieurs rémunérés et donc beaucoup plus malléables.
La passivité du ministère de la santé dans ces affaires montre son total désinvestissement de ce champ. Les ARS ont perdu de vue que l’inspection et le contrôle sont inhérents à l’objectif de sécurité sanitaire et de protection des personnes, et cette mission régalienne est devenue une tâche secondaire et parfois, comme on peut le voir avec ces deux affaires, menée dans l’improvisation et avec amateurisme.